«Nous avons décidé de publier ce rapport aujourd’hui pour que le Maroc ne rate pas complètement les opportunités offertes par la réforme de sa politique migratoire», a expliqué ce matin Katya Salmi, chercheuse titulaire d’une bourse ACLS à Human Rights Watch, lundi 10 février, au Club des avocats, à Rabat. Elle est l’auteur du rapport «Abus et expulsions » de HRW, publié ce lundi, sur les violences infligées aux migrants subsahariens au Maroc sur une période allant d’avant et après l’amorce de la réforme de la politique migratoire marocaine.
Le rapport, en lui-même n’apporte guère d’informations nouvelles, mais, par l’importance de HRW il sert de porte-voix aux associations locales qui continuent de dénoncer les violences commises par les forces auxiliaires dans le nord du pays. Ainsi, tous les témoignages recueillis par Katya Salmi et Brahim Elansari, assistant de recherche à HRW ont pu être réunis grâce à l’aide des associations de terrain au Maroc.
HRW comme porte voix
La puissance de HRW leur a ainsi permis d’obtenir une réponse détaillée des autorités marocaines. En dépit des «nombreuses violations des droits des migrants» reconnues par le CNDH dans le rapport à l’origine de la réforme de la politique migratoire marocaine, en septembre dernier, les autorités restent dans un déni complet. «Les déclarations des migrants étrangers au Maroc se rapportant à de ‘prétendues exactions et contrôles abusifs de l’identité des migrants étrangers au niveau de Nador et Oujda’, sont également dénuées de tout fondement», indiquent notamment les autorités marocaines.
Ces ‘prétendues exactions’ sont pourtant unanimement pointées du doigt par les associations marocaines de défense des droits de l’homme. La réforme dans les faits de la politique d’asile, les droits réels accordés aux réfugiés, l’ambitieux processus de régularisation sont salués par HRW, mais n’ont pas été synonymes du rétablissement de tous les migrants dans leurs droits à la faveur de la nouvelle politique marocaine.
Eloignés des frontières plutôt qu'expulsés
«Depuis octobre, environ, il n’y a plus d’expulsion à la frontière maroco-algérienne. Les personnes qui auparavant étaient raflées à Oujda, Nador, Mélilia et Sebta pour être expulsés en Algérie, sont aujourd’hui emmenées en bus à Rabat et Casablanca», explique Eric Goldstein, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch.
«Chaque soir, ce sont 5 bus qui amènent à Rabat des migrants raflés à Nador et Oujda», témoigne Hélène Yamta, présidente de la voix des femmes migrantes au Maroc. Arrivés à Rabat, ils sont libérés, lâchés dans la nature sans argent, ni repère. Aujourd’hui ceux qui ont été arrêtés en tentant de franchir les barrières de Sebta et Mélilia se retrouvent dans les rues de Rabat. Leurs blessures, témoignages directes de la violence des coups de la Guardia civil espagnole et des forces auxiliaires marocaines sont à présent visibles au cœur de la capitale marocaine.
La publication du rapport de HRW intervient quelques jours à peine après que plusieurs migrants ont été retrouvés morts noyés au large de Sebta pour avoir tenté de rejoindre l’enclave espagnole à la nage ou dans une embarcation de fortune.